Essai sur Laniakea, par Roger Neusius

Essai sur LANIAKEA 

Et si on allait plus loin avec les cosmographes ?

Ces gens qui font des dessins dans le ciel !

 

« Eternal Sailor Laniakea » © Lizziebydesign

Qui veut voyager loin ménage sa monture.

Alors, enfourchons Laniakea !

Les cosmographes qui étudient le ciel profond sont des scientifiques remarquables.

Grace aux nouveaux télescopes et aux moyens de mesure qui ont fait d’énormes progrès en précision, ils ont récolté une quantité importante de résultats durant la dernière décennie.

Ainsi, en 2016, on connaît les positions et les vitesses radiales de 18000 galaxies.

Pour plus de 100 000 autres on connaît au moins la position. Les vitesses des galaxies ont été modélisées et tout cela a été cartographié.

En 2014, une première carte dynamique tenant compte des sens de déplacement avait été établie.

Elle a permis de constater que toutes les galaxies ainsi que les structures auxquelles elles appartiennent étaient soumises à des courants cosmiques.

Car, tout ce « petit monde » bouge.

La Terre à 30 km/s autour du Soleil, le Soleil à 220km/s autour du centre de notre galaxie, notre galaxie se dirige à 65km/s en direction d’Andromède qui vient vers nous à la même vitesse.

Notre galaxie file à 230km/s vers l’amas de galaxie de la Vierge qui lui-même fonce à 630km/s vers « Le Grand Attracteur » !

A vos calculettes pour déterminer la vitesse cumulée…

Et, pour faire simple :

La Voie lactée fait partie du Groupe Local, qui appartient au Superamas Local d’une largeur d’environ 60 millions d’années-lumière, qui lui-même fait partie du Superamas de la Vierge, le tout appartenant à un ensemble gravitationnel encore plus vaste nommé Laniakea découvert en 2014.

 

Laniakea, qui signifie « horizon céleste immense » en hawaïen, mesure 500 millions d’années-lumière de part en part mais son centre est situé à environ 250 millions d’années-lumière de nous.

Au milieu, au confluent de plusieurs « courants » cosmiques, se trouve une sorte de « vallon » plat vers lequel « s’écoulent » les galaxies en raison de la gravité.

A cet endroit se situe « Le Grand Attracteur » qui ne ressemble pas à une grosse masse mystérieuse et invisible comme on a tendance à le penser.

 

© »Voyage sur les flots de galaxies » 2e édition,  Hélène Courtois

 

Laniakea contiendrait plus de 100 000 galaxies.

Cet immense superamas (avec sa limite) est représenté sur cette simulation informatique.

Les zones vertes sont les zones où se sont concentrées les galaxies.

Les galaxies sont représentées par les petits points blancs tandis que les lignes blanches montrent le mouvement des galaxies vers le centre du superamas.

Le point bleu indique l’emplacement de la Voie Lactée.

Les couleurs représentent la densité de matière avec, en rouge, les régions les plus denses et, en bleu, les vides.

 

Les galaxies se déplacent en groupes (une cinquantaine de galaxies), puis en amas (quelques milliers de galaxies), puis à très grande échelle, en superamas de plus en plus grands (quelques centaines de milliers de galaxies) que les scientifiques essaient de circonscrire.

 

Pour ceux qui veulent regarder plus loin encore :

Les superamas les plus proches du notre sont : Hydre-Centaure, Persée-Poissons, Paon-Indien, Chevelure de Bérénice, Sculpteur, Hercule, Lion, ….

Ce sont les structures que l’on aperçoit autour de Laniakea.

Les sens « d’écoulements » ne sont pas les mêmes. Cette « carte » est une véritable illustration de bassins-versants comme en hydrologie.

© R. Brent Tully (U. Hawaii) et al., SDvision, DP, CEA/Saclay.

 

A noter la présence de « Shapley » l’immense superamas voisin du « notre ».

Remarque importante : les distances mises en jeu dans cette affaire sont phénoménales. En fait, l’expansion de l’univers qui tend à éloigner les galaxies les unes des autres et qui est d’autant plus marquée que les distances sont grandes, domine la gravitation qui, à l’inverse, tend à les rapprocher. Or, les cartes présentées privilégient la gravitation car l’effet de l’expansion a volontairement été retranché afin de distinguer les mouvements « particuliers » des galaxies.

En fait, les mouvements de chute des galaxies à grande échelle ne sont que des « petites perturbations » comparées à l’expansion : toutes les galaxies, exceptées celles vraiment très proches, aux voisinages des amas et des groupes, s’éloignent les unes des autres.

Un superamas n’est pas à considérer comme « une structure gravitationnellement liée », puisque ses composants s’éloignent en réalité les uns des autres !

 

Et après Laniakea ?

Laniakea a été découverte avec le programme « cosmicflows 2» (CF2) mais les recherches se poursuivent.

Actuellement, ces astronomes en sont à alimenter le programme « cosmicflows 3 » (CF3) qui a débuté en 2012.

Les moyens utilisés vont de radiotélescopes géants au télescope spatial Spitzer. Ce dernier a la possibilité d’observer dans le domaine du proche infrarouge et donc de « voir » au travers des poussières de notre galaxie.

Des équipes du monde entier travaillent pour récolter des données. CF3 contient actuellement 18000 galaxies mesurées en distance et en vitesse et couvre un rayon de 600 millions d’années lumière autour de notre position.

L’exploitation des données est loin d’être terminée mais les astronomes s’attendent à voir émerger les contours d’une dizaine de superamas du genre Laniakea. Ils pensent pouvoir confirmer que Laniakea est lui-même attiré vers un superamas encore plus grand : Shapley !

L’objectif est de déterminer la taille d’un nombre conséquent de superamas afin d’obtenir un échantillon suffisamment grand, statistiquement représentatif de l’Univers dans son entier.

En attendant les astrophysiciens mettent au point des équations et des algorithmes de mesure du taux de croissance des structures de galaxies.

 

Pourquoi tout ce « remue méninge ?

Pour vérifier le principe cosmologique introduit en 1917 par Einstein !

A partir de quelle échelle l’Univers peut-il être considéré comme homogène et isotrope?

Homogénéité et isotropie sont les deux piliers du principe cosmologique sur lequel repose le modèle cosmologique actuel.

Chaque observateur où qu’il se trouve dans l’Univers n’a pas de position spéciale : il est entouré par le même environnement (homogénéité) et il observe le même type d’Univers, peu importe la direction vers laquelle il regarde (isotropie).

D’après le principe cosmologique, la masse est uniformément répartie à grande échelle et ce grand volume est attiré par la gravitation pareillement dans toutes les directions. Donc il devrait être immobile (hors le phénomène de l’expansion).

Mais CF3 ne contiendra vraisemblablement pas plus d’une dizaine de superamas.

D’ores et déjà les astronomes pensent à « Cosmicflows 4 ».

 

Ce programme sera alimenté par de nouveaux télescopes : radiotélescope géant de 500 m de diamètre en Chine et projet SKA (Square Kilometer Array) avec plusieurs milliers de paraboles pour collecter la lumière sur un kilomètre carré. Les précurseurs de SKA sont déjà en place et les premiers signaux extragalactiques commencent à être reçus par ces multi-télescopes. Dans cinq ans plus de 50 000 galaxies seront cartographiées en distance et vitesse dans un rayon de plus d’un milliard d’années lumières correspondant à un volume pouvant contenir potentiellement plusieurs centaines de superamas comme Laniakea.

 

A l’horizon 2020 l’ESA va lancer Euclid, un télescope entièrement dédié à la cosmologie. Avec lui, il s’agira de cartographier un très grand volume situé à des distances comprises entre 8 et 16 milliards d’années lumière. Il permettra de mesurer la position de 50 millions de galaxies. Euclid permettra de cartographier environ 1% de l’Univers observable. En se basant sur la taille de Laniakea cela représente de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de superamas et autant de régions vides à cartographier.

 

Ci-dessous le lien d’une vidéo (en anglais) qui reprend la manière utilisée pour construire les cartes dynamiques ayant servies à identifier Laniakea comme un bassin-versant de galaxies.

On peut y voir des galaxies positionnées en redshifts… avec vitesses radiales… et la reconstruction de champs de vitesses etc. Pour finalement aboutir à cette carte synthèse. Hélène Courtois appelle ces opérations : « La Reconstruction ».

 

Extrait et photos de :

« Voyage sur les flots de galaxies » 1ere édition,  Hélène Courtois chez Dunod.